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mardi 12 Déc 2023
Parole d’artiste : rencontre avec Olivia Gay
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Depuis des millénaires, la forêt permet de nous évader et tout cela commence dès l’enfance.

La forêt rythme notre imaginaire, elle est très présente dans les mythes, contes et légendes, dans les récits ou encore dans les films… Car la forêt est une source d’inspiration inépuisable pour le monde artistique.

Au travers de leurs œuvres, les peintres, auteurs et autrices et même les musiciens et musiciennes représentent la forêt au travers sa biodiversité luxuriante, l’expressivité de ses arbres ou encore les ambiances des sous-bois. Certains artistes mettent aussi en lumière les sons de la forêt ainsi que les différentes textures et odeurs que l’on peut y retrouver.

Mais la forêt, sa biodiversité et toutes ses richesses, sont aujourd’hui menacées par le changement climatique.

Certains artistes font le choix de s’engager et d’utiliser leur notoriété en faveur des forêts. A l’image d’Olivia Gay, une violoncelliste qui s’inspire de cet écosystème fascinant, indispensable pour notre planète et pour la vie sur Terre.

Consciente de l’impact du changement climatique sur les forêts, et notamment des feux de plus en plus intenses qui touchent nos forêts chaque année, elle s’est notamment associée à l’Office national des forêts (ONF) et est devenue ambassadrice du Fonds de dotation de l’ONF « Agir pour la forêt ».

Elle organise régulièrement des séries de concerts, joués en plein cœur des forêts. Une partie des fonds récupérés lors de ces concerts est reversée au Fonds de dotation de l’ONF, dont l’objectif est de sensibiliser le public aux conséquences du changement climatique sur les forêts.

Rencontre avec cette artiste inspirante.

  • Pourriez-vous vous présenter en quelques mots comment vous êtes devenue violoncelliste ?

Je m’appelle Olivia Gay, je suis violoncelliste et depuis 1 an et demi, j’ai engagé « Le silence des forêts », une initiative artistique agir en faveur des forêts.

J’ai commencé la musique à l’âge de 7-8 ans. Je ne me suis jamais posé la question de ce que je voulais faire lors des temps d’orientation scolaire. Le violoncelle s’est imposé à moi comme une évidence.

  • Pour vous, que représente la forêt ?

Pour moi, la forêt est un lieu de ressourcement. Depuis l’enfance, je me ressource dans cet espace naturel. J’ai grandi dans l’est de la France, aux pieds des Vosges, où la forêt est très présente. Je passais beaucoup de temps à me balader dans cet espace, je partais à la cueillette aux champignons… La forêt fait partie de mes souvenirs d’enfance.

Quand on se prédestine jeune à une carrière de musicien ou musicienne, on a très vite un emploi du temps très chargé. La forêt est rapidement devenue ma bouffée d’air, j’avais besoin d’être en forêt. Je suis également une grande passionnée d’animaux et en particulier de chevaux et j’apprécie me balader à cheval en forêt.

Lorsque je suis en forêt, je me sens proche du vivant, et en tant qu’être vivant, la forêt agit comme un anxiolytique, c’est un lieu où se débloque et se dénoue plein de choses lorsque ça ne va pas.

Et puis, la forêt est aussi une source d’inspiration. Elle ouvre à d’autres perspectives d’interprétations musicales.

  • D’où vient votre envie d’agir en faveur des forêts ? Y a-t-il eu un élément déclencheur ?

Cela faisait plusieurs années que je souhaitais m’engager pour une cause environnementale. Bien sûr, comme beaucoup de personnes, j’ai fait des dons mais je voulais m’engager pleinement. J’ai mis un peu de temps à cheminer, pour cibler la cause que je voulais défendre et la manière de le faire. Ce que je savais, c’est que je voulais agir concrètement, m’engager tout entière et au travers de ce que je sais faire, à savoir la musique. Aujourd’hui, je suis convaincue que c’est la meilleure chose que j’ai pu faire à ce niveau-là. Je n’ai pas la prétention de sauver l’univers mais j’apporte ma pierre à l’édifice. C’est la manière qui est la plus en corrélation avec ce que je suis et ce que je sais faire.

Les conséquences du changement climatique, qui sont de plus en plus perceptibles, font parti des éléments déclencheurs et qui m’ont donné envie d’agir. Aujourd’hui, on ressent beaucoup les effets du changement climatique par rapport à il y a 10 voire même 15 ans en arrière. Enfin, comme beaucoup de personnes, les mégafeux spectaculaires partout sur la planète m’ont aussi beaucoup affecté.

  • Comment vous est venue l’idée de faire des concerts en forêt ?

Cela a été un cheminement assez long. D’abord, je me suis intéressée à un répertoire d’œuvres.

Après ces recherches artistiques, j’ai enregistré et sorti en septembre 2022 un disque, intitulé Whisper me a tree. Une fois cela réalisé – et cela prend du temps – j’ai recherché comment aller à la rencontre du public, en mêlant les mélomanes et les passionnés de nature. J’avais vraiment envie de faire de la manière la plus simple et la plus naturelle possible, en emmenant le public en forêt pour présenter des œuvres musicales qui sont issues d’elles, qui sont nées en forêt.

Le but est d’agir en faveur des forêts et aussi de montrer que l’art est inspiré de la nature, des éléments, de la forêt.

La forêt est un puit d’inspiration artistique immense. Si elle n’existait pas, je ne sais pas à quoi ressemblerait l’art aujourd’hui. Le lien est extrêmement fort entre l’art au sens large et la nature au sens large.

  • Vous avez fait un cycle de récitals dans plusieurs forêts de France. Dans quelles forêts avez-vous déjà joué ?

J’ai effectivement joué dans de nombreuses forêts de France. Par exemple, les forêts de Fontainebleau, Barbizon, La Grange (à Yerres), Sainte-Apolline, Rambouillet, Brocéliande, La Teste de Buch, Saussay mais aussi à la maison forestière du Grand Piquey au Cap Ferret ou encore la Réserve naturelle régionale de Sainte Lucie.

Cela représente environ 22 concerts et de nouveaux concerts sont à venir pour 2024 !

  • L’acoustique ne doit pas être évidente en forêt. Est-ce que cela peut poser problème ? Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

C’est un choix de ma part d’avoir une acoustique naturelle avec un son non-amplifié. Cela est un peu moins confortable pour nous, les musiciens et musiciennes, que d’avoir une salle avec une acoustique travaillée, un endroit qui a été pensé pour la musique et son acoustique.

En jouant en forêt, je voulais aussi laisser la place à la musique de la nature. L’idée, c’est de pouvoir éveiller tous les sens. J’ai également la volonté que le concert ne soit pas trop intrusif dans la forêt.

Pour en revenir sur l’acoustique, ce n’est vraiment pas un problème pour moi. On pense souvent, et à tort, que les instruments sortis d’une salle ne résonnent pas autant mais ce n’est pas vrai ! D’ailleurs, une fois, après un concert en forêt, un spectateur est venu me demander où étaient les amplificateurs de sons tellement le son était bon. J’ai dû lui dire qu’il n’y en avait pas et il était très surpris.

  • Quel est l’accueil du public par rapport à ces concerts exceptionnels en pleine nature ? Quels sont les retours ?

Ce que l’on remarque, c’est que le fait d’être dans la nature permet d’éveiller tous les sens. L’écoute de la musique est différente en pleine nature, comparé à l’écoute que l’on a dans une salle. Les spectateurs écoutent, regardent, tous les sens sont en éveil. Ils observent plein de choses, l’écoute est profonde dans cet écrin forestier et favorise l’échange après un concert. Ils viennent spontanément me voir et discuter. Ils font alors le rapprochement entre ce qui les entoure, l’histoire qui leur est contée durant le concert et la musique qu’ils écoutent.

  • Que ressentez-vous quand vous jouez au milieu des forêts ?

J’ai un sentiment de plénitude, de cohérence.

Avant un concert, nous avons les yeux rivés sur la météo car la météo est un facteur essentiel pour pouvoir faire son concert en extérieur. Bien sûr, nous prévoyons toujours un plan B en cas de besoin mais je dois avouer que c’est vraiment stressant quand la météo est mi-figue mi-raisin. Comme je joue avec un violoncelle de D. Montagnana qui date de 1733, et qui m’est prêté à long terme par la Beare’s International Violin Society, il m’est impossible de jouer sous la pluie par exemple.

Mais en temps normal, quand la météo est bonne, je me sens heureuse de partager ce moment avec les spectateurs. J’ai l’impression que tout est à sa place : moi, mon instrument, qui est né de la forêt, les œuvres musicales et l’inspiration du compositeur. On ramène tout en forêt, dans l’écrin de naissance, de conception de la musique qui est jouée.

Lorsque j’entends que la musique n’a pas sa place hors d’une salle, je ne suis pas d’accord car je suis persuadée qu’à l’origine, la musique était jouée dans la nature, en forêt.

  • Si vous aviez un message à faire passer pour agir en faveur des forêts, quel serait-il ?

J’ai toujours tendance à expliquer que c’est bizarre de dire qu’il faut veiller sur les forêts. Nous sommes la forêt et la forêt est nous. Sa santé est déterminante pour notre survie, notre bien-être physique et mental, pour la créativité, pour l’imaginaire. La forêt est liée à nous, il faut en prendre soin comme on prend soin de l’humanité.

L’équipe de la Journée internationale des forêts remercie très chaleureusement Olivia Gay d’avoir participé à cette interview.

Pour retrouver l’agenda de ses prochaines représentations, rendez-vous sur : https://www.olivia-gay.com/